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Spirit Matter, Centre d'art et de diffusion CLARK, Montréal, Québec, 2020

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«Spirit Matter»: l'amie des bêtes, Delgado, Jérôme, Critique Arts visuels, Le Devoir, 25 janvier 2020 >

Spirit Matters - installation view

Documentation Alana Riley
Montage Tommy Asselin
Spirit Matter Exhibition January 10 - February 15 2020
The Centre d’art et de diffusion CLARK



Spirit Matter - installation detail


SPIRIT MATTER

Un engrenage de dualités – esprit/matière – corps/âme – souffle/mort – Spirit Matter de Bonnie Baxter vous demande de vous arrêter pour vivre une proposition sensorielle. Divers médiums et technologies ciblent nos réactions primitives : l’imminente figure d’un homme/rat poussée contre un mur, inondée d’une lumière dénaturante nous ramène à nos phobies comme le fait l’odeur de l’hôpital. Un passage à travers un petit portail vous mène à un continuum à 360 degrés de grands lévriers bondissants – incarnations du corps, courant en cercle sans fin. Leur désir de vivre est comme l’ouroboros : inévitable, envoûtant, effrayant, joyeux. Au-dessus, des anges chimériques flottent – une aurore de synapses s’enflamme. Ensemble, les éléments forment à la fois un enivrant diorama de Gaia et l’interprétation que l’artiste se fait du cerveau.

Baxter a représenté ses compagnons lévriers comme des icônes et des figures transformatives dans la plupart de ses séries para-autobiographiques. Leur court cycle de vie – de la naissance à la mort, représente l’éternel retour dans ses re-créations cycliques. Dans Spirit Matter, ils incarnent ce cercle infini de l’existence.

«Des preuves convergentes indiquent que les animaux non humains possèdent les substrats neuroanatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques permettant des états de conscience tout comme la capacité de démontrer des comportements intentionnels.»
- The Cambridge Declaration on Consciousness (7 juillet 2012)

Notre capacité d’empathie n’est pas unique et, de surcroit, la qualité indéfinissable que nous nommons « esprit » ne l’est pas non plus. Nous avons fait du mot « humain » un adjectif qui lui confère une valeur presque sans limite et conséquemment, par définition, dévalue tous les autres. Cela a été utilisé pour justifier le colonialisme, l’esclavage, la servitude et le sexisme et continu à justifier l’abus et la négligence envers les autres créatures et même envers la planète entière. Cette exposition semble être l’éloge funèbre et la contestation de notre autodésignation de « sapiens ».

En tant que membres de la société nous devenons déconnectés les uns des autres, nos têtes dans les nuages. L’art de Baxter a toujours été approprié pour poser des questions, pour nous donner l’espace d’entendre nos propres pensées. Les images, densément superposées, nous donnent plusieurs points d’accès, plusieurs significations possibles. Baxter se préoccupe de notre parcours, autant que du sien. L’installation qui vous enveloppe, vous laisse pénétrer une perspective ancrée dans la réalité physique – fourrure, tendons, muscles et herbe – tout en vous donnant accès à quelque chose de transcendant. Nous provoquons des expériences spirituelles afin d’étendre la compréhension que nous avons de nous-mêmes et de notre place dans l’univers depuis aussi longtemps que nous dessinons des images. Nous faisons cela car « l’esprit » compte. C’est ce qui fait que nous sommes responsables de nous-mêmes et des autres. Baxter élève la voix à travers un chœur grandissant d’artistes/activistes pour le climat qui s’efforcent à éveiller une réponse à la peur, sublimée et paralysante, de la crise climatique. À travers différentes approches narratives, elle crée un paysage mythique, une continuité immersive et expérientielle de sa série dystopique RatKind – une vision singulière qui donne forme à l’expérience de la croyance : la foi que la vie, que toutes les sortes de vies, possèdent un sens en elles-mêmes.

- Christine Unger (traduction par Catherine Barnabé)

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